La très
chère Fureur Mensongère prend la parole le temps de revenir cet ouvrage qui lui rend
hommage, ainsi que sur les Hommes qui
depuis toujours l’inspirent et la font vivre.
Très chère Fureur Mensongère, ce petit
ouvrage narrant votre règne aux Amériques sort aux éditions DREAD. N’est-ce pas étonnant ?
En tant que furieuse, je m'étonne jamais de rien, car je m'attends toujours à tout. En revanche, je me réjouis beaucoup, notamment à l'occasion de la parution de ce charmant ouvrage. Pourquoi DREAD Editions ? Je ne suis d’aucune nation ni d’aucune époque,
j’obéis et me plie à tout maître qui invoque mon nom. La Folie, ma tendre
cousine, a été louée en son temps dans un ouvrage fort estimé *. J’en fus ravie
pour elle mais enfin, ne méritais-je pas mon propre ouvrage ? Vous voyez à
travers ces pages que la découverte de ce que vous appelez Amériques suite à
une fureur mensongère n’a pas été le moindre de mes triomphes.
Justement, très chère Fureur, en quoi l’Homme
doit-il vous rendre hommage, vous qui l’égarez sans cesse ?
L’égarer ? Vous vous égarez,
jeune homme – la Fureur ne dirige pas les Hommes, ce sont eux qui en appellent
à moi. De tout temps, en toute contrée, on m’honora et on me dressa des
autels. Aux Amériques, ceux que vous appelez Indiens alors qu’ils vivent bien
loin du Gange, m’élevaient des temples bien avant l’arrivée des Européens - qu’une fureur les poussa à croire d’essence divine. De plus, n’allez pas me
confondre avec mon grossier cousin le Mensonge. Car je suis toute fureur – seul
m’intéresse le mensonge grandiose, celui qui illumine et pousse l’Homme à
l’action. La bête manie de mentir sans ambition me dégoûte. De même que celle
du mensonge intéressé...
"J’aime le mensonge furieux, celui qui sublime les Hommes,
pas celui qui les abrutit. "
Est-ce
pour cela, très chère Fureur, que vous dites dans cet ouvrage que votre cousine
la Fureur Aurifère vous lassa, elle qui joua un rôle important dans le mythe de
l’Eldorado ?
N’allez pas me brouiller avec ma famille, la
Fureur Aurifère ne saurait me lasser. Seuls les Hommes m’ennuyèrent à ainsi lui
sacrifier leur vie. J’aime le mensonge furieux, celui qui sublime les Hommes, pas celui qui les
abrutit. Lorsque Colomb découvre l’Amérique, il pense avoir trouvé une voie
nouvelle vers les Indes. Il a à la fois tort et furieusement raison. De même qu’il pense
avoir trouvé le paradis terrestre, souvenez-vous. Que cette fureur m’est chère...
Le paradis
terrestre, le vrai ?
Le seul et unique, très cher – le jardin d’Adam et
Eve. Colomb était dévot, le saviez-vous ? Un vrai petit dévoreur de
Bible ; à la limite de la superstition. C’est d’autant plus étonnant de
l’entendre dire que ce fameux paradis devait se situer au sommet d’une
excroissance du globe pareille à un téton de femme. Certains qui connaissent
bien les femmes ne le contrediront pas, d’ailleurs.
Mais il avait ses raisons de dire cela.
En effet, on a toujours
de bonnes raisons d’en avoir de mauvaises. Ainsi règne la Fureur Mensongère sur
les esprits échauffés. J’ai aimé mon Colomb, ce brave serviteur. Il a beaucoup
oeuvré à ma gloire.
En inspirant Amerigo Vespucci qui a finalement
donné son nom à l’Amérique suite à un furieux mensonge, vous lui avez pourtant
tout repris, très chère Fureur.
Je lui ai tout
donné, au contraire. Ses rêves les plus fous comme ses plus belles réussites.
Il entendait la voix des anges, le saviez-vous ? L’un d’eux lui avait même
dit que la découverte des Amériques n’était qu’une étape divine dans la
reconquête du Saint Sépulcre. Et bien sûr, pour cela, Dieu comptait sur lui. Un
brave homme, vous dis-je.
Vous semblez en vouloir aux raisonneurs de tout bord dans vos discours, notamment à Voltaire.
Vous semblez en vouloir aux raisonneurs de tout bord dans vos discours, notamment à Voltaire.
Hum ? Oui, peut-être... Ces petits pisse-froid m'indiffèrent, leur entendement soi-disant supérieur ne porte guère à conséquence. Mais je n'aime pas les rabat joie. S'ils veulent souffrir les affres de la vérité, bien leur en prenne. Mais qu'ils laissent mes heureux serviteurs se réjouir du fond de leur fureur. C'est bien moi qui les anime et les aide à se sentir vivants, non ?
Pourquoi refusez-vous d’être prise en photo, très
chère Fureur ?
(rires) Décidément, chers humains, vous serez à
jamais tels que je vous aime, indécrottables. Je ne saurais être saisie, mon
ami. Je n’ai pas un visage, j’en ai mille ; pas une voix mais des
millions, ni même une âme mais des milliards. Une photo de la Fureur
mensongère ? Voilà qui ferait une belle fureur mensongère, en effet.
Réfléchissez là-dessus, je compte sur vous pour la mener à bien.
Qu’attendez-vous
de cet ouvrage, très chère Fureur ?
Rien. Qu’un peu de reconnaissance, ce qui me
semble bien légitime. Car ces furies mensongères ne
représentent qu’une infime parcelle de mon royaume sans bornes.
Elles
sont d’un autre temps, aussi. Et votre royaume, très chère Fureur, semble
aujourd’hui bien moins vaste que vous ne le dites. L’Homme a fait des avancées
spectaculaires.
Comment dites-vous (Rires) ? Spectaculaires (rires) ! Vous avez toujours été si imbus de votre faible
entendement. C’est la luciole qui voulait se faire aussi grosse qu’un phare.
Plus l’Homme se croit éclairé plus il avance dans les ténèbres et plus il en
découvre moins il en sait. Croyez-moi, mon règne jamais ne fut sur le déclin -
aujourd’hui moins encore qu’hier. Vos arrogantes certitudes me touchent, moi
qui suis d’une nature si bonne. Mais elles ne reflètent que l’étendue de vos
ignorances. Et vous descendants riront de vous comme vous riez de vos ancêtres.
Mais assez parlé de vous, parlons plutôt de moi. Ou plutôt lisons à mon sujet. Lecteur ! Ce petit ouvrage habilement
travaillé et agrémenté de jolies gravures plus furieuses les unes que les
autres, t’éclairera sur moi et un peu sur toi. Va, lis et honore-moi. Lis et, surtout, pense à moi.
* L'Eloge de la Folie, d'Erasme (nde).
* L'Eloge de la Folie, d'Erasme (nde).
_______________________________________________________________La Fureur mensongère
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